novembre 25, 2019

Comment ManoMano a fait de sa culture d’entreprise un pilier de sa croissance.

Comment ManoMano a fait de sa culture d’entreprise un pilier de sa croissance.

« En quête de culture » est votre nouvelle série de témoignages et d’articles sur la vie de bureau. Deux fois par mois, CEO, DRH, designers, experts des neurosciences viennent vous parler de leurs stratégies et de leurs best practices de management et d’aménagement d’espace pour souder un collectif. Pour ce troisième entretien, nous avons rencontré un profil atypique dans le milieu des start-ups. Didier de Stabenrath est un ancien militaire (12 ans de carrière dans la Légion étrangère), devenu à 59 ans Head of People Operations chez ManoMano, l’Amazon du bricolage. Quels sont les « secrets » derrière cette succès story à la française ? Comment fait-on pour passer de 70 à 400 collaborateurs sans perdre sa culture d’entreprise conviviale ? On voit ça tout de suite.


Didier, vous avez 62 ans, et vous êtes deux fois plus âgé que la moyenne de ManoMano (29 ans). Question : Qu’est-ce qu’un senior peut apporter à une start-up ?

Nous ne sommes clairement pas les plus nombreux. Sur 400 personnes chez ManoMano, 4 ont 50 ans et plus… soit 1 % des effectifs. Cela étant, la société s’est structurée avec des profils plus seniors que la moyenne des start-ups (40 ans dans le codir). Avec une carrière derrière soi (et beaucoup d’expérience), on a un rapport différent au temps et plus de recul. Dans les start-ups, on a toujours le nez dans le guidon et le soleil ne se couche jamais. Pour autant, sur des questions stratégiques ou des domaines sensibles comme les RH, où chaque cas est particulier, il faut prendre le temps de la réflexion. Dans l’armée, on a une expression pour ça : le « calme des vieilles troupes ». Le recul sur l’événement. La hauteur de vue.

On néglige aussi trop souvent ce qu’apporte l’expérience des seniors. Quand vous avez passé  une vie à travailler, vous avez développé un savoir-faire, des compétences que n’ont pas (encore) des gens plus jeunes. Il y a un devoir de transmission. Chaque fois qu’un senior part à la retraite sans avoir transmis son savoir, c’est une perte sèche, une « bibliothèque qui brûle ».

Votre effectif a été multiplié par 5 en 3 ans. Comment fait-on pour conserver une véritable culture d’entreprise dans ces conditions ?

Quand vous passez de 70 employés (à mon arrivée en 2016) sur un site unique à plus de 400 aujourd’hui, répartis sur Paris, Bordeaux et Barcelone, il faut structurer pour accompagner la croissance. C’est un exercice délicat : il faut trouver le juste équilibre entre rationalisation et humain. Chez ManoMano, nous avons agi à deux niveaux : les valeurs et l’organisation du département PEOPLE/RH.

À moins de 100 personnes, on est toujours « à portée de voix » des fondateurs. On partage leurs valeurs (audace, agilité, bienveillance). Au fur et à mesure que vous recrutez, vous adjoignez des managers intermédiaires… au risque de perdre votre identité. Un travail de fond a été réalisé au niveau du CODIR sur les questions de gouvernance et de culture. Quelle est la vision ? la mission ? nos valeurs ? Cela a ensuite été expliqué aux collaborateurs pour qu’ils se les approprient et décliné au quotidien et dans nos rituels. En cumulé, cela a pris 6 mois.

Cela passe aussi par la structuration du département PEOPLE/RH pour accompagner nos salariés et l’hypercroissance en termes de projets, de talent developpement .... Les ressources humaines sont des business partners, elles doivent être en avance de phase. À chaque fois qu’un candidat postule chez nous, il a un entretien avec un « Mano Values Ambassadeur », un collaborateur volontaire qui s’assure que le postulant est aligné avec nos valeurs.

Comment fait-on dans une boîte de la tech pour conserver des interactions de qualité et éviter que tout le monde soit le nez sur son ordinateur ?

C’est un vrai challenge. Dès le départ, nous avons voulu éviter tout individualisme, favoriser les interactions entre salariés et trouver un équilibre entre vie pro et vie perso. Cela passe par quelques principes simples et l’encadrement du travail à distance :

  1. L’onboarding permet dès le début de partager nos valeurs et vivre ensemble.  On déjeune tous à la cafétéria, au 4e… même si on ne connaît pas grand monde au début.
  2. Le télétravail a été mis en place selon des règles précises : Une journée par semaine maximum et tous les jours sauf le lundi. Le télétravail est accessible une fois qu’on a fini sa période d’essai et le collaborateur est accompagné pour sa mise en place.
  3. Une charte de déconnexion et une organisation “opérationnelle “  de la semaine : le lundi est consacré aux réunions et au reporting. Pas de réunion le mardi et le jeudi matin, et le vendredi c’est la journée « célébration ». On finit souvent le soir autour d’une bière dans le bar d’en face, qui est devenu notre QG.
  4. Et enfin, nous sommes organisés en feature team : on mélange les expertises dans des équipes projet (data, produit,IT, COM…). Tout le monde travaille ensemble et donc, naturellement, les gens interagissent entre eux.

Ce qui frappe quand on discute avec des salariés ou des anciens de ManoMano, c’est l’esprit « familial » qui y règne. Comment est-ce qu’on nourrit ça au quotidien côté RH ?

ManoMano est une belle et grande communauté. On retrouve un peu de cet « esprit de corps » qui est le propre de l’armée, mais exprimé différemment. À la Légion, vous aviez plus de 140 nationalités représentées, on en a près d’une quinzaine ici et, comme pour la légion, surtout des jeunes. On tient beaucoup les uns aux autres et cela se matérialise concrètement par des gestes et des petites attentions au quotidien. Ça commence dès qu’un futur collaborateur signe sa promesse d’embauche, on lui envoie à son domicile une bouteille de champagne, avec un mot : « X, on a très hâte de te rencontrer. La vis c’est sympa à nos côtés, tu verras. » Il y a ensuite un sweat ManoMano pour célébrer le premier anniversaire après un an de présence, et un magnum de champagne après 5 ans.

Nous essayons d’accompagner au mieux nos salariés dans les moments importants de leur vie, joyeux ou douloureux. C’est presque une « politique familiale ». Comme par exemple lors de la naissance d’un enfant, nous envoyons une salopette de bricoleur de 6 mois.  À Noël, nous avons un sapin, les enfants peuvent venir voir où travaillent leurs parents et, pour les plus grands, on organise un atelier de bricolage, etc.

Vous avez déménagé en novembre 2017. Comment avez-vous pensé l’usage du nouveau bâtiment ? Quel rôle a été attribué aux espaces de convivialité ?

Nous nous sommes installés dans les anciens ateliers des montres suisses Jaeger-LeCoultre. Ce morceau d’histoire a été l’élément déclencheur : nous voulions que nos locaux reflètent notre culture et notre ADN bricolage. Nous avions peu de marge de manœuvre pour l’aménagement, mais nous avons tenu, sur nos quatre étages, à en avoir un entier pour la cafétéria. Elle a été installée au 4e et complétée par une terrasse, faite sur mesure. C’est notre lieu de vie, avec des tables de ping-pong, des babyfoots et des consoles pour le midi. On offre aussi le café et les fruits.

Au sous-sol, avec un complément de travaux, nous avons pu aménager une salle de sport : on propose des cours de boxe et de yoga. Nous avons également ajouté une salle de sieste (très utilisée le midi), une creative room et une salle de musique équipée pour nos nombreux musiciens.

Toutefois, au delà du bien être au travail et de la qualité de vie, notre véritable objectif est de créer un cadre professionnel qui fasse grandir la personne et développer ses talents.